Idées d'architecte / 02.01.2017

Murs des bâtis anciens : quel isolant choisir ?

Le choix de l’isolant est une étape importante dans un projet de rénovation. En bâti ancien, l’économie d’énergie mais aussi l’état sanitaire de votre intérieur et son taux d’humidité sont en jeu. Entre informations biaisées et promotions alléchantes, difficile de faire son choix. Voici un éclairage du point de vue du prescripteur.

Un fabriquant qui ne tente pas de vous convaincre que son produit est le meilleur n’est pas un bon fabriquant. Le prescripteur, lui, doit prendre en compte tous les paramètres de son projet pour faire un choix de produit. Il prend en compte en premier lieu les caractéristiques thermiques des parois à isoler. Dans ce cadre, le comportement particulier des maçonneries anciennes mérite qu’on s’y tarde :  en effet, la pierre associe un faible pouvoir isolant à une inertie thermique (ou déphasage) importante;  inertie servait encore il y a peu d’argument aux détracteurs de l’isolation des bâtiments anciens. Or, si le déphasage d’une maçonnerie ancienne permet de profiter le jour de la fraîcheur emmagasinée la nuit lors de la saison chaude, elle a également tendance à piéger l’occupant qui, se sentant encore à l’aise lors des premiers jours de froid, négligera de chauffer son intérieur et se retrouvera dans l’impossibilité de retrouver un intérieur sain une fois le froid définitivement installé, et ce malgré une chaudière tournant à plein régime.

La seconde idée reçue consiste à prétendre que nos anciens n’isolaient pas. C’est tout simplement faux. Enduits plâtres armés de paille, tentures doublées de paille et doublages en brique sur vide d’air ventilé couvraient auparavant les parois froides de nos maisons en pierre. Dans les fermes, l’occupation des combles en fenil permettait de passer un hiver isolé par le fourrage des bêtes.
Aujourd’hui, l’urgence prime. Avec plus de 80% de logements antérieurs à 1948 et une réglementation thermique sur l’existant complètement obsolète, la passoire thermique du logement ancien est la poutre dans l’œil des promoteurs du bâti neuf économe, passif, positif. Elus et techniciens ont sacrifié l’efficacité globale d’un plan ambitieux de rénovation thermique sur l’ancien à l’image flatteuse de quelques opérations neuves exemplaires. Une logique qui tend à changer : on cherche à encourager voire contraindre les copropriétés à mener des opérations de rénovation thermique globale et, voici quelques mois, est sorti un arrêté promouvant l’isolation thermique par l’extérieur du bâti ancien dans le cadre la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Un arrêté polémique : grâce à quelques images choc, ses détracteurs ont montré l’effet désastreux sur le patrimoine d’une opération montée à l’emporte pièces sous le regard attentif des industriels de l’ITE.

Pourtant, pour le bâti ancien en pierre, l’ITE préserve le meilleur des deux mondes : une isolations thermique performante et la préservation de l’inertie thermique des maçonneries ; mais dans ce cas, il faut proscrire les isolants à base de panneaux isolants collés qui ne permettent pas une bonne régulation hygrothermique, et privilégier les laines minérales ou végétales sous bardage et vide d’air ventilé…Ledit bardage pouvant être couvert d’un enduit de façade, histoire de rassurer les phobiques du bois apparent.

Quand l’aspect patrimonial du bâti est un impératif, l’isolation par l’intérieur s’impose. Problème : une fois isolés, les volumes intérieurs ne profitent plus de l’inertie des maçonneries. Trois palliatifs sont possibles :

L’isolation des murs extérieurs n’empêche pas de dégager les murs refends (projet d’agence)Dans le premier cas, le jeu consiste à dépenser plus pour disposer à nouveau d’un confort qui existait avant les travaux : économiquement discutable. Dans le second cas l’on préserve les qualités des murs anciens au prix d’une piètre résistance thermique. Le dernier cas est celui que je privilégie : si les murs périphériques sont isolés, il est préférable d’isoler en sous-face les dallages de béton neufs pour profiter de l’inertie du béton. Adieu planchers chauffants…Bonjour murs refends à pierre-vue ! Un mur intérieur maçonné entièrement dégagé, complété par un poêle ou une cheminée fermée, jouera le rôle de diffuseur de chaleur l’hiver et de réserve de fraîcheur l’été.
Une fois la mise en œuvre calée, reste à choisir sa solution isolante. On ne s’étendra pas sur les isolants à base de laine minérale : promus et connus depuis des décennies, ils profitent de l’apathie des organismes certificateurs qui traînent des pieds pour valider les solutions alternatives. Or, un artisan ou un architecte qui pose une solution non certifiée travaille sans filet de sécurité en cas de sinistre !
On ne rejettera pas par principe les isolants minces réfléchissants. On rappellera simplement qu’ils constituent de parois infranchissables pour les molécules d’eau et que la pérennité d’un mur en pierre dépend de son équilibre hygrothermique : un vide d’air épais est impératif dans la mise en œuvre de ce type d’isolant. S’en passer, c’est voir la moisissure s’installer sur toutes les parois intérieures. Du coup, la finesse de l’isolant n’a plus guère d’intérêt pour le logement…

On en vient naturellement aux isolants bio-sourcés. Notez : on dit bio-sourcé, pas « écologique ». Saint-Gobain likes this, mais il faut aussi admettre que les qualités environnementales d’un produit dépendent d’une variété de facteurs : quel matériau a été transformé pour sa fabrication ? Comment a-t-il été fabriqué, et où ? Est-il sain, inerte pour son environnement ? Comment va-t-il se comporter dans le temps ? « bio-sourcé » offre l’intérêt de dire clairement : issu d’une ressource végétale (bois, chanvre, lin…), animale (laine de mouton) ou recyclée (cellulose…). Et c’est à peu près tout. Parce qu’en matière de mode de production et de comportement, les fabricants sont peu diserts. Saviez-vous que la filière de la laine de bois détient le record peu enviable d’être l’un des plus gros consommateurs d’énergie de l’industrie du bâtiment ? Oui mais voilà : très performante thermiquement à haute densité, la laine de bois est un excellent régulateur hygrothermique et un isolant phonique de tout premier ordre, qu’on l’utilise en bande pour réduire les bruits d’impact des planchers bois ou en laine pour traiter les bruits aériens. La transformation du bois permet aujourd’hui de répondre à presque tous les besoins du logement rénové.

Les diverses applications de la fibre de bois : en laine isolante entre montants (1) et (2), en panneau ou bande résiliente, en panneau de fibre pare-pluie (3) en toiture, en âme de structure (4), sur ossature ou en complexe extérieur support d’enduit (5). (Source)

Les autres isolants issus de la filière végétale ne parviennent pas tout à fait à ce niveau de performance, à l’exception du panneau de chanvre. Mais les difficultés de mise en œuvre de celui-ci (pose et découpe) conduit souvent les artisans à privilégier la laine de bois. Lin, coco, algues séchées : il existe une infinité de solutions à partir de matière végétale, mais aucune d’entre elle n’offre la large gamme de transformation du bois.

Les isolants issus de matières recyclées sont plus incertains dans leur avenir, par leur nature même. Ils ne se présentent généralement qu’en vrac et, en tant que matière sèche, sont sensible à l’humidité et au tassement naturel.

Reste la question des adjuvants. Utilisés comme hydrofuges, antirongeur, ignifugeant ou stabilisateurs, les adjuvants sont présents dans tous les isolants en laine ou en vrac, y compris dans les laines minérales. La protection du secret industriel n’imposant au fabriquant qu’une information minimale en la matière, si bien que nous, professionnels, sommes réduits à tenir compte de quelques rares études pour nous faire une idée sur le sujet.

Parfois, la crise éclate. Au cours des années 2012-2013, la filière de la ouate de cellulose a bien failli disparaître en raison de l’interdiction de son principal adjuvant à base de sel de bore, dont la nocivité à haute dose est avérée…Bien qu’il s’agisse d’un produit naturel. Panique chez les fabricants. Ils se sont tournés vers un dérivatif à base d’hydrate d’alumine qui s’est révélé encore plus nocif que le produit qu’il remplaçait. Du coup, pour ne pas tuer la filière, le sel de bore s’est trouvé de nouveau toléré. Circulez… En ce qui me concerne, face à ces revirements, avec en tête les cendres encore vives du drame de l’amiante, le principe de précaution prime : en l’absence d’information, pas de ouate de cellulose dans mes bâtiments. S’il est exact que les adjuvants industriels sont présents dans presque tous les isolants bio-sourcés, les isolants dont la densité est la plus faible, les plus vulnérables aux agressions du milieu et les plus inflammables sont naturellement destinés à en recevoir un maximum.

C’est la raison pour laquelle, en définitive, j’ai tendance à me tourner vers les isolants à base de déchets de bois transformés pour isoler les murs des bâtis anciens que je réhabilite. Même si les différents modes de production sont énergivores, l’origine de la ressource, la versatilité du produit et ses performances dans les différents domaines qui améliorent le confort intérieur des bâtis en pierre, en font, selon mes critères, le meilleur compromis à moindre risque.

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